Ce n’est pas Beckett qui opère des réductions [...]: il est l’exact interprète de ce que les individus tendent à devenir en tant que pures fonctions. [...] Il photographie pour ainsi dire la société où toutes connexité fonctionnelle par son côté minable.1
Relecture et critique du moderne
C’est à la demande d’Adolf Arndt2, directeur du Werkbund, qu’Adorno fit cette conférence « Sur quelques problèmes du fonctionnalisme aujourd’hui3 ». Situons-la d’emblée dans le cadre d’une relecture et d’une critique du moderne : en 1960, Reyner Banham publie Theory and Design in The First Machine Age, et ce texte fut accessible en Allemagne dès 1965 ; en 1968, ce même Banham publie « A Home Is No a House4 », manifeste pour une architecture de la mobilité en net contraste avec les positions défendues par Adorno ; en 1968, l’école d’Ulm ferme ses portes et Manfredo Tafuri publie Teoria e storia dell’architettura. Mais faut-il rappeler qu’Adorno n’est pas historien ou théoricien de l’architecture ? Si 1965 est le temps de la réévaluation, la réfutation du progressisme est aussi le fait de l’école de Francfort. Le moderne n’est donc pas seulement fait d’architecture. C’est un moderne de tradition philosophique, depuis la perspective de la Reconstruction allemande. Il est une tessiture historique qui, ouverte avec les Lumières, aura abouti à Auschwitz. Et cela même qui devait émanciper est devenu force de contrôle, enrégimenté par la rationalité totalitaire comme par le capitalisme. Derrière l’utilité sociale s’est donc caché le pouvoir, et la ruse de l’histoire est d’avoir revêtu ce mouvement de domination de l’écran de la culture5. À l’émancipation subjective annoncée s’est substitué l’assujettissement économique et politique. Mais aussi et surtout un « devenir insensible, voire impitoyable du sujet rationnel ». Et c’est sur ce double fond – historique et conceptuel – que s’engage une explication avec Adolf Loos, voire avec le Werkbund lui-même.
En effet, Paul Betts a bien rappelé l’histoire de cette institution dans l’après-guerre, contrainte de « réinventer son propre héritage » et de « protéger la dimension morale du fonctionnalisme contre le double danger du passé nazi et du présent américain6 ». Terrain miné puisque ce Werkbund fut séduit par Heidegger qu’il invita en 1951 à Darmstadt : « Bâtir, habiter, penser7 ». Terrain miné par l’âge de ses membres vieillissants. Pour autant, la nomination d’Adolf Arndt à sa tête relance, comme une dernière querelle, la discussion autour du fonctionnalisme, - en invitant non seulement Adorno mais aussi Ernst Bloch pour la conférence de Berlin de 1965.
Le titre est cependant à prendre au-delà de la circonstance : qu’en est-il du besoin humain (besoin d’art au sens hégélien et besoin matériel au sens marxise) au temps de l’industrie culturelle ? Il donne l’axe et les coordonnées de lecture dans un texte obscurci par autant de chicanes et changements de plans discursifs : chicanes de l’actualité dont certains éléments nous échappent, passage de moments philosophiques à des notations empiriques, débrayages entre architecture, design et musique ! Mais ce ne sont pas simples idiosyncrasies : ils sont liés à la démonstration qu’opère Adorno et à son dispositif fondamental : la dialectique. Ils émanent aussi du fait que le philosophe ne parle pas en expert saisi par le « pathos de la compétence technique ».
Philosophie et histoire : la double consistance du fonctionnalisme
En effet, la question du fonctionnalisme est mal posée dès lors qu’elle oublie sa double consistance historique et philosophique. Ainsi Loos a raison s’il est lu historiquement avec Morris. Mais il a tort s’il est considéré anthropologiquement et récuse l’impulsion mimétique et symbolique qui fait la vie humaine. Si le fonctionnalisme doit être pensé « aujourd’hui », c’est qu’il peut demeurer un concept critique pour la construction des temps présents. Ce qui veut dire non pas seulement un legs fossilisé des années 1920, et pas davantage un topos à mettre au rebut comme le voudra le postmoderne des années 19808. La complexité du texte c’est précisément qu’il se diffracte incessamment : il y a un fonctionnalisme historiquement incarné par les succès de Le Corbusier comme un autre par les échecs de la Reconstruction. À propos de la version américaine que l’exil lui imposa, Adorno écrivait déjà dans La dialectique de la raison en 19449 :
des pays totalitaires aux autres pays, les bâtiments administratifs et les centres d’expositions industrielles se ressemblent presque tous par leur décoration. [...] Les nouveaux bungalows en bordure des villes sont comme les fragiles constructions des foires internationales [...] invitant à s’en débarrasser après une brève période d’utilisation comme on se débarrasse des boîtes de conserve vides.
Mais l’objet de ce texte n’est pas directement l’industrie culturelle. Et sa complication tient à ce que, loin de s’en tenir au domaine des arts appliqués, il mord sur l’art. Est-ce caprice ? Ou dépendance à l’endroit du lexique kantien ? Assurément pas : impossible de séparer les deux. Et cet impossible est simultanément un fait historique et une tâche pour la philosophie. La partition entre art et design, finalité sans fin et finalité avec fin, ne tient pas ! Selon le fil de chaîne historique, « les ornements sont à bien des égards à même les objets les cicatrices de modes de production dépassés10 », et à l’inverse des modes de la sociabilité comme la danse sont devenus des formes d’art. Autrement dit, les ornements sont la trace de fonctions défuntes et, inversement, certains arts ont d’abord été des usages. Selon le fil de trame philosophique, c’est là ce qu’il faut penser puisque ce n’est qu’à maintenir l’étincelle de l’utopie qu’on trouvera l’interstice où contrer l’industrie culturelle. Penser que l’objet d’usage et l’œuvre d’art sont distincts est une faute de culture historienne. Penser que l’objet d’usage et l’œuvre d’art sont hétérogènes est une faute d’opinion philosophique. D’un côté, le refus de la perspective temporelle. De l’autre, un parti pris positiviste qui manque et l’utopie que réclament architecture ou design et la négativité critique que recèlent les grandes œuvres.
C’est dire qu’Adorno ouvre aussi un débat conceptuel avec Kant. Débat dont la difficulté s’augmente d’effets de traduction. Débat qui se complique dès lors que l’autonomie formelle de l’œuvre telle que le criticisme l’établit au plan subjectif se métamorphose en autonomie moderniste. « Depuis que la tradition n’impose plus à l’art aucune règle fixant les canons, c’est à chaque œuvre qu’il incombe [...] de vérifier sa logique immanente.11» Voilà bien cet arc qui, de Mallarmé à Greenberg, insiste sur la réflexivité. Car loin de conserver la perspective du kantisme, dont Jürgen Habermas venait de tirer Strukturwandel der Öffentlichkeit12, Adorno rabat les choses sur la matérialité compositionnelle des objets. Et plus encore sur leur historicité intrinsèque. Si le canon n’est plus objectivement prescrit, chaque époque doit tenter de produire les formes adéquates à son style. Autant dire qu’Adorno retrouve la modernité baudelairienne. Mieux, il la déplace, moyennant une conversation avec Loos : « ce qui était fonctionnel peut devenir l’inverse13». Bien que l’opposition entre avec fins et sans fins soit étanche, elle dévoile que « l’esthétique n’est finalement que le champ de tensions de cette sublimation14 ».
Autant d’époques, autant de fonctions, autant d’ornementations
Cette analyse nous ramène au Freud de Malaise dans la civilisation comme au Elias de La civilisation des mœurs15. Le désintéressé kantien devient à la fois ce qui a perdu son objectif du fait d’une réorganisation sociale et ce qui émane d’un refoulement du cœur sexuel de l’intérêt. Ce lexique psychanalytique, Adorno en use contre Loos dont la polémique serait teintée d’un puritanisme accompagné de « motifs obsessionnels ». Certes, il l’interprète sociologiquement : ce puritanisme serait essentiellement bourgeois. Mais il le noue plus fondamentalement à des déterminants anthropologiques. D’une part, au principe de plaisir qui interdit aux hommes d’être « soumis plus longtemps au sadisme des angles aigus16 » ou à « la mesquinerie du métrage des pièces17» de l’habitat moderne. D’autre part, à l’impulsion graphique dont témoignent tout à la fois les graffitis, le goût des surréalistes et, plus anciennement dans la mémoire textuelle d’Adorno : Aristote. Privilégiant l’objectivation rationnelle, Loos récuserait l’ornement parce qu’il haïrait cette impulsion expressive ou mimétique. Or, précise Adorno, « même lorsque cet élément leur manque, ces objets d’usage lui payent un tribut dans l’effort qu’ils font pour l’éviter [...]. Difficile de trouver une forme qui, parallèlement à son adaptation à l’usage, ne soit pas aussi symbole ». Une fréquentation de la méthode freudienne est ici sensible : le refus est présence et le négatif trace18.
En un mot, le fonctionnalisme doit être entendu littéralement à l’aune du contemporain : autant d’époques, autant de fonctions, autant d’ornementations. Il existe une histoire de l’ornement qui est histoire de la perte des fonctions et « critiquer l’ornement, c’est critiquer ce qui a perdu son sens fonctionnel et symbolique19 ». Il s’ensuit que la fonction ne saurait être simple opérateur pratique et, surtout, que la séparation entre ce qui relève d’une finalité et ce qui est autonome doit être repensée. Sur ce point, Adorno accrédite l’acception historique usuelle des positions de Loos : elles sont le fait d’une époque et d’une nécessité : la critique de l’éclectisme. Mais sur ce point également, il va au-delà d’une explication historique. La querelle s’organise alors contre la sublimation et les logiques de la pureté : pas plus qu’il n’existe de « forme finalisée » pure, il n’existe de forme artistique pure de toute finalité. Pas d’objet utile sans formalité, pas de forme pure sans utilité. Une telle idée serait en effet cette « conception non dialectique de la beauté, qui fait de l’art autonome une sorte de parc naturel fermé derrière des murs ». Bref, ces deux illusions sont des ignorances.
Mais à cet endroit, Adorno tord la réciprocité et introduit une chicane : si Loos a raison de rejeter l’art lorsqu’il s’impose dans l’objet d’usage, l’art libre de toute finalité doit rejeter la subordination au profit. Tel est le tiers exclu. L’objet avec finalité et l’œuvre sans finalité ne sont plus face à face au regard du sujet transcendantal : leur relation est brouillée par ce nouveau statut de l’objectivité qu’est la marchandise. Et l’ultime raison de leur proximité est désormais économique : l’un comme l’autre sont susceptibles d’avoir déjà basculé dans le régime de l’industrie culturelle.
L’objectivité concrète ou la problématique de la choséité
L’enjeu essentiel du texte pourrait donc être celui de l’objectivité concrète – Sachlichkeit. Enjeu qui renvoie à la Neue Sachlichkeit, ce moment phare du modernisme allemand. Enjeu essentiel pour autant qu’il renvoie à la problématique de la choséité. Non pas sur un mode phénoménologique mais saisie comme inconsistance à l’ère de la société industrielle et du désenchantement wébérien. Deux réponses s’esquissent ici, qu’on distinguera selon l’échelle des temps. L’une, qui est d’avant la catastrophe, et qui est celle de Benjamin. L’autre, qui est irrémédiablement marquée par la catastrophe, et qui est celle de la Reconstruction.
Concernant la première, Benjamin tire argument du désordre des styles fin de siècle pour dire la nécessité de la tabula rasa du modernisme. Il la qualifie de barbarie positive et en identifie l’occurrence chez les cubistes. Mais il précise de manière passionnante pour qui veut penser le design : « les figures de Klee ont été pour ainsi dire conçues sur la planche à dessin, et à l’instar d’une bonne voiture dont même la carrosserie répond avant tout aux impératifs de la mécanique, elles obéissent dans l’expression des visages avant tout à leur structure intérieure. À leur structure plus qu’à leur vie intérieure : c’est ce qui les rend barbares ». Mieux encore, Benjamin rapproche Loos de Klee pour autant qu’ils se tournent « vers leur contemporain qui, dépouillé de ces oripeaux, crie comme un nouveau-né dans les langes sales de cette époque ». Expérience et pauvreté se prolongent alors sous l’espèce d’une analytique de la trace : si le salon bourgeois 1880 en regorge, le Bauhaus aurait visé à produire « des espaces dans lesquels il est impossible de laisser des traces ». On ne saurait ensuite s’éloigner davantage de la théorie critique :
Il n’est pas rare que le rêve nous dédommage de la tristesse et du découragement de la journée en réalisant l’existence très simple mais vraiment grandiose que nous n’avons pas la force de construire dans l’état de veille. L’existence de Mickey Mouse est un de ces rêves des hommes d’aujourd’hui [...] une existence dans laquelle une automobile ne pèse pas plus lourd qu’un chapeau de paille.20
Contre la fatigue des agencements de moyens, Hollywood aura su proposer une figure onirique et poétique. Rêve et poésie des temps de pauvreté. Mais rêve et poésie tout de même. Rêve et poésie des temps de détresse puisque Benjamin a la lucidité de dire combien la guerre se prépare. Rêve et poésie de ces temps où certains ont pris à tâche d’explorer des possibilités radicalement nouvelles : « dans leurs bâtiments, leurs tableaux et leurs récits, l’humanité s’apprête à survivre, s’il le faut, à la disparition de la culture ».
Concernant la seconde réponse, elle est à l’arrière-plan du texte. On pourrait être ici frappé par l’étrange proximité avec Heidegger. Mais on ne sera pas abusé tant il est vrai qu’Adorno mobilise l’expérience concentrationnaire et la destruction des Juifs d’Europe. Touchant l’inventaire de cette Reconstruction, évoquons Hans Haacke dont Benjamin Buchloh note la précision documentaire, loin de tout deuil ostentatoire et loin des médiations sur la mort d’un Anselm Kiefer21. Insistons, à propos du Berlin 1973, sur Isa Genzken, au sujet de laquelle ce même Buchloh souligne que, plutôt que de produire une archive mélancolique du cadre urbain de l’après-guerre, elle s’est concentrée sur sa fragmentation spécifique22. Si l’élégie ménage la place d’une réconciliation, quelque chose comme une objectivité critique y objecte dans l’une et l’autre œuvre. À cette attitude, les faits donnent raison ! Et notamment celui-ci, rappelé par Hanns Zischler dans « Une ville sur un ‹ sol sans fond › » :
Les membres de la génération qui fut la première à occuper les postes de décision après la guerre [...] avaient besoin de refouler leur propre passé. [...] C’est contre eux-mêmes que leur propre mauvaise conscience aurait dû se retourner. Ils choisirent cependant la fuite dans une haine fanatique de l’histoire. [...] Les urbanistes de la deuxième génération d’après-guerre [...] sont des gens dont le nazisme a détruit la jeunesse. C’est la génération des technocrates et de l’étroitesse d’esprit la plus bornée. C’était et c’est encore elle qui, tout à fait sans émoi ni scrupule, a bien plus largement détruit les villes de notre pays que la Seconde Guerre mondiale23.
Rien de plus désespérant en effet ! Si habiter est devenu impossible c’est en raison de « l’ombre lourde de l’impermanent » dont les déplacements de population sous le régime hitlérien sont la vraie mesure. Minima Moralia est plus précis encore : « Le temps de la maison est passé. »
Dans l’entre-deux de la société utopique à de la société réelle
Aux yeux d’Adorno pourtant sans concession, le nazisme n’est pas seul en cause : « Les destructions infligées aux villes européennes, exactement comme les camps de travail et les camps de concentration, ne font qu’exécuter ce que l’évolution immanente de la technique a décidé depuis longtemps quant à l’avenir des maisons. » C’est la technicisation qui rendrait précis et frustes « les gestes que nous faisons » en leur retirant « toute hésitation, toute circonspection et tout raffinement », en les pliant aux exigences « pour ainsi dire privées d’histoire qui sont celles des choses ». Telle est la réification des existences modernes. « C’est ainsi qu’on désapprit à fermer une porte doucement et sans bruit : celles des voitures et des frigidaires, il faut les claquer. » Rendre justice à l’homme moderne, c’est prendre la mesure de cette brusquerie objectale. Les machines façonnent jusqu’aux habitudes de nos corps, y inscrivant « la violence qui caractérise les brutalités fascistes ». Ici fait retour le « mauvais » fonctionnalisme puisque « Entrez sans frapper !» 24 fait de cette soumission à l’impératif utilitaire la raison de cette abrasion du superflu, - superflu qui fait le bonheur de vivre. Ce monde refoule l’expérience enfantine qui goûte les longues enfilades des châteaux. Il veut ignorer le suranné. Le fonctionnalisme participe à cet égard de la mutilation de la vie qui fait le titre de l’ouvrage de 1951. Non qu’il soit une voie sans issue comme telle. Mais un sérieux remaniement s’impose demandant qu’il renoue avec les puissances du rêve, et qu’il se tienne face à la contradiction.
Car ignorer cette charge d’utopie c’est s’installer dans la médiocrité d’un environnement que la série télévisée Derrick aura si bien incarnée. « La construction figée d’un monde [...] où la lenteur révèle son vrai pouvoir : le blocage25. » Cette platitude est renoncement au rêve. Orchestré par des meurtres motivés par l’argent, le feuilleton déploie l’univers visuel d’un fonctionnalisme qui aurait viré à la pure industrie culturelle : marchandisation de tout. Pire, il s’y déploie sur le mode d’une phénoménologie de cauchemar : le cadre de vie s’y condense dans l’étant tel qu’il est. Ce qui fait défaut au modernisme gris de ces décors, c’est cette « capacité de l’interpolation dans l’infime ». À cet égard, Le Corbusier est l’architecte de l’imagination. Il œuvre à « innerver ce plus ». Lui sait tirer parti de l’histoire emmagasinée dans le matériau. Il répond à la question informulée que les décors lui adressent dans leur mutisme même. Ce faisant, loin de relever d’un réalisme, son architecture « contredit au besoin hic et nunc ». La fonction n’est pas ici réponse à un stimulus physiologique. Elle est besoin d’art au sens hégélien du terme : projection, anticipation. Elle est potentialité humaine. Pour autant elle est aussi satisfaction de besoins élémentaires. Et toute la difficulté du fonctionnalisme tient à cet équilibre aussi inquiet qu’essentiel : comme art autonome, l’architecture doit proposer un au-delà du besoin, comme art appliqué, elle doit répondre à une demande. Ignorer les hommes tels qu’ils sont est un danger ; s’en tenir aux hommes tels qu’ils sont aussi.
Le lieu impossible où se situe la tâche de l’architecte et du designer est ainsi clairement délinéé : dans l’entre-deux tendu de la société utopique et de la société réelle. La première ambitionne la réconciliation des hommes et des choses, la seconde travestit les intérêts du profil sous les traits du besoin26. La première forclot le fétichisme de la marchandise. La seconde fait prévaloir la valeur d’échange sur toute autre : valeur d’usage, de culte ou d’exposition. Aussi la contradiction est-elle insoluble. De là la conclusion de la conférence : la tâche de la philosophie est de prendre acte de la crise des concepts. Celle de l’art, de l’architecture ou du design est de produire une beauté signalétique de la crise. Car celle-ci n’a désormais « d’autre mesure que la profondeur avec laquelle les configurations formelles assument les contradictions qui les sillonnent et qu’elles ne maîtrisent qu’en allant à leur suite au lieu de les masquer27 ».
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